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Agriculture

Economie

L'Inde compte sur ses campagnes pour enrayer le ralentissement de son économie [Fr]

Julien Bouissou

Le Monde (France)

Le 06-04-2009 (Publié sur internet le 09-06-2009)

813 mots

En Inde, les campagnes pourraient bien jouer le rôle d'amortisseur

de la crise.

Oubliées durant les années de forte croissance de l'Inde, elles refont leur

apparition dans le débat public, entre plans de relance et outils de

politique monétaire, comme antidote au ralentissement économique.

''L'économie rurale n'est pas affaiblie'', a martelé, lors d'une

conférence organisée jeudi 26 mars par la confédération des

industries indiennes, Montek Singh Ahluwalia, président du

commissariat au plan, pour justifier une prévision de croissance

aux alentours de 6,5% lors de l'année fiscale 2009-2010, qui se termine

le 31 mars.

L'économie rurale indienne dépend beaucoup de la météo et de la

politique du gouvernement, qui lui sont toutes deux favorables.

La mousson des quatre dernières années a été généreuse.

En 2008, 230 millions de tonnes de céréales ont été récoltées

et les prix de soutien du blé et du riz ont été relevés de 40%.

Le gouvernement a effacé 11 milliards d'euros de dettes contractées

par les paysans les plus pauvres auprès des banques publiques.

Les grands programmes de soutien à l'emploi mis en place par la

coalition au pouvoir portent leurs fruits. Lors de l'année fiscale 2008-2009,

4,3 milliards d'euros ont été investis dans le programme de garantie

nationale de l'emploi rural, qui offre 100 jours de travail par an aux

foyers les plus pauvres, principalement dans la construction

d'infrastructures. A ce jour, 41 millions d'emplois ont été créés.

Le succès de ce programme a stimulé l'économie dans les villages,

explique Himanshu, professeur à l'université Jawaharlal-Nehru de Delhi.

A tel point que dans le Punjab, le grenier à blé du pays, la main-d'oeuvre

saisonnière vient à manquer, et les salaires journaliers doivent être

augmentés. En 2008, les fonctionnaires de l'administration indienne

qui occupent de nombreux emplois dans les villages, comme les

instituteurs, ont également bénéficié d'une hausse de leur salaire,

atteignant, dans certains cas, 35%.

L'économie rurale se porte encore mieux au cours des six derniers

mois que l'année précédente. Par conséquent, la population rurale

dispose d'un revenu disponible plus élevé, prêt à être dépensé,

estime M. Ranganathan, le directeur général de CavinKare, un

fabricant indien de produits capillaires.

Totalisant 56% du revenu national et 64% des dépenses du pays,

les marchés ruraux deviennent des relais de croissance aux zones

urbaines, affectées par une baisse de la demande. Quelque 8%

des foyers ruraux possèdent un réfrigérateur, contre 63% dans

les grandes villes ; 71% des nouveaux abonnements à une

ligne de téléphone portable sont souscrits dans les campagnes.

Ces trois dernières années, 10 millions de téléviseurs se sont

vendus dans les villages.

Teintures pour buffles

Il est plus difficile de vendre ses produits dans 600.000 villages

que dans 5.000 villes, prévient néanmoins Pradeep Kashyap, le

président de Mart, un cabinet de conseil indien, et les usages

des produits ou des services doivent parfois être réinventés pour

déclencher l'acte d'achat. Les produits de teinture pour cheveux

servent ainsi à redonner une couleur aux buffles pour en tirer

un meilleur prix au marché aux bestiaux.

Le constructeur indien Mahindra & Mahindra a lancé la campagne

un tracteur en bonne santé, un conducteur en bonne santé, qui

offre au paysan un examen médical gratuit, pour toute réparation

de sa machine chez les concessionnaires de la marque.

Les vendeurs doivent également faire preuve de pédagogie,

expliquer par exemple que le gaz qui sert à cuire les aliments

ne va pas se retrouver dans la nourriture. Toutefois, cette hausse

de la consommation ne doit pas donner l'illusion d'une croissance

structurelle. La bonne santé de l'économie rurale n'est que

conjoncturelle, souligne Rajeev Shukhla, chercheur au Conseil

national de recherche sur l'économie appliquée. Le secteur

agricole ne tire pas encore sa croissance d'une hausse des

gains de productivité. Environ 30% des foyers d'agriculteurs

exploitent des terres dont la superficie ne dépasse pas 0,8 hectare.

Le manque d'infrastructure freine le développement des campagnes.

Celles-ci sont isolées, donc à l'abri de la crise. Mais elles

sont aussi exclues de la croissance mondiale, ajoute Himanshu.

La moitié des villages n'est reliée à aucune route, 45% des foyers

ruraux n'ont pas accès à l'électricité, et 75% ne disposent

pas d'eau courante. Enfin, 12% des revenus ruraux proviennent

des villes ou de l'étranger, d'après une étude du cabinet indien

India Infoline. Le ralentissement de la croissance a donc aussi

un impact sur les campagnes. Ces derniers mois, des milliers

d'ouvriers indiens ont dû retourner au Kerala, dans le sud du

pays, après avoir perdu leur emploi sur les chantiers de construction

des pays du Golfe.

 

Julien Bouissou pour Le Monde (France)

Les opinions exprimées et les arguments avancés dans cet article

demeurent l'entière responsabilité de l'auteur-e.

Elles ne reflètent pas nécessairement les vues de Planète Urgence.

 

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